Droit, direct, meneur, d’aussi loin que le dijonnais Éric Briones se souvienne, son caractère de leader naturel lui a toujours servi. « Au lycée hôtelier, mon professeur me disait systématiquement de prendre le passe (NDLR : le passe-plat). J’y étais efficace ! »
C’est cette efficacité que l’on retrouve chez lui aujourd’hui. 48 ans et beaucoup d’énergie encore à revendre. Un sentiment qui transpire dans les mots qu’il emploie comme dans son allure : toujours des baskets aux pieds ! Une fois son diplôme passé, il travaille dès l’âge de 18 ans ; d’abord comme commis de cuisine au CBDO – aujourd’hui La Closerie – à Dijon, puis comme saisonnier dans le sud de la France, et le voilà déjà appelé pour faire son service militaire. « J’étais au mess des officiers de la BA102 de Dijon-Longvic dans la villa Guynemer du général, sur les allées du Parc. J’avoue que j’ai failli m’engager car la rigueur me convenait bien. »
Entreprendre
Toujours cette idée de discipline et d’action. La parenthèse refermée, Éric Briones prend le chemin des grandes et belles tables :
d’abord en Bourgogne au Chapeau Rouge à Dijon et Chez Loiseau, à Saulieu, puis à Paris avec Sylvie, sa femme. « Je souhaitais compléter les différentes facettes de l’apprentissage du métier. Aujourd’hui, celui qui est juste un artisan en cuisine n’est pas toujours un bon chef d’entreprise. Il vaut mieux rester chef dans une maison réputée que de se mettre à son propre compte si on ne sait pas gérer un restaurant dans sa globalité. Pour ma part, avec mes ambitions d’entreprendre et d’ouvrir un restaurant, j’avais aussi besoin d’avoir de sérieuses bases en gestion, management etc… », rappelle celui qui n’a qu’un CAP-BEP en poche. Il passe donc par un groupe américain, à Paris pour élargir son socle de compétence « extra culinaire ». Petit sourire en coin, Éric Briones n’hésite pas à dire qu’encore aujourd’hui il se sert de leurs tableaux de gestion du temps qu’il a appris au milieu des années 90. Dans la foulée, le couple met en pratique cet enseignement et gère pendant un an et demi un hôtel restaurant. « On est finalement rentré à Dijon parce que la gestion de nos deux premiers enfants Alexandre et Jonathan, n’était pas toujours facile avec des nounous différentes :
une pour la journée, la seconde pour le soir et la troisième pour le week-end ; cela devenait ingérable mais on ne voulait surtout pas quitter le métier ! » Jérémy, leur 3e garçon, naîtra en 2000. Trois enfants, tiens donc !
1996 : l’année charnière
De retour à Dijon, Éric Briones reprend ses marques et frappe aux portes de différents établissements à vendre. Rapidement il s’oriente vers un restaurant de Daix. « Les 3 Ducs, je connaissais déjà pour y avoir fait un stage de fin d’études. » Mais à 28 ans, les banques ont eu du mal à lui faire confiance :
« Cela a été un véritable combat. Mon grand-père, ancien négociant dans le vin m’a fort heureusement ouvert son réseau ; d’ailleurs je pense à lui chaque matin : il a vraiment été mon mentor et l’est toujours aujourd’hui » Le 1er juin 1996 : c’est la consécration, l’aventure de chef d’entreprise débute. En cuisine, ils sont deux et en salle, deux de plus. Sylvie travaille bien sûr avec son mari. « Vous savez, on s’est rencontré au lycée hôtelier : on a grandi ensemble ! » Pendant cinq ans Éric Briones et son équipe travaillent d’arrache-pied, avec en ligne de mire, l’envie de briguer une étoile au Guide Michelin. « Ce n’était pas une obsession parce que mon envie était avant tout de faire plaisir aux clients mais j’avoue que cela reste un regret de ne pas avoir obtenu cette étoile ! » En parallèle, il rénove et agrandit l’établissement. « Très vite, je me suis lancée dans les séminaires et repas de famille, j’ai donc aménagé une grande salle de 60 couverts. » Entre 2001 et 2004, nouveau challenge : Éric Briones gère le restaurant du golf de Norges-la-Ville. « Cette période (NDLR : 3 ans !) m’a permis d’enrichir toute la panoplie de manager que j’avais déjà en moi. Et puis cela m’a donné encore plus le goût du service traiteur. »
La période passerelle du restaurant Le 3 Vauban
Quelques années plus tard, un ami-client pense qu’il est temps pour Éric Briones de créer son propre restaurant en cœur de ville. « T’as la compétence pour accrocher ton étoile mais il te manque le cadre, m’avait-il dit… » Ce sera donc Le 3 Vauban, dans la rue éponyme, à partir de 2010. Mais cette année-là, l’entrepreneur a un gros souci de santé et une partie des 3 Ducs part en fumée.
« Heureusement que nous avions Le 3 Vauban pour que les gens ne nous oublient pas. » Trois ans plus tard – encore une fois le 3 – Éric Briones revend l’établissement à Dominique Loiseau. « Je voulais me recentrer sur Les 3 Ducs et l’activité traiteur. Depuis 2014 je suis référencé au palais des congrès de Dijon. »
L’opération fonctionne et les commandes sont régulières tout autant qu’importantes. « Au départ, nous réalisions une réception de 400 personnes, deux ou trois fois par an. Aujourd’hui, ce type de prestations a lieu plusieurs dizaines de fois chaque année. C’est là que je vois le volume d’activité que réalise le palais des congrès ! » Éric Briones grandit avec ce nouveau client et lance Saveur Concept, son laboratoire de production pour l’activité de réception, installé à Talant, non loin du restaurant. Aujourd’hui, sept salariés y travaillent et réalisent plus de 500 réceptions par an, allant de 10 à 2000-3000 personnes. Tout de même !
Vision globale
Dans sa cuisine, comme dans la vie, Éric Briones est aussi un instinctif. Pour les réceptions, même principe : pas de plaquette toute faite, « je travaille à la demande en fonction du lieu, de la saison, du nombre de personnes et de la logistique à mettre en place. Des thématiques de destinations exotiques ou de films et dessins animés sont régulièrement demandées. En fait je me rends compte que mon métier se tourne de plus en plus vers l’événementiel en plus de la partie traiteur. C’est tout à fait en rapport avec mon esprit organisationnel qui me sied tant ! Cela permet de personnaliser nos prestations et surtout pour moi de ne pas m’ennuyer ! » Car l’ennui est un mot que le chef exècre. Voilà aussi pourquoi dans son restaurant, sa carte est concise et différente chaque semaine. De quoi cuisiner selon les plaisirs et idées du moment « les produits croisés sur les étals ». Sa créativité et son imagination le poussent aujourd’hui un peu plus loin qu’à Dijon, à travers l’imposant et superbe Clos Champagnac. Toute cette expérience, il aime la partager avec les siens, mais aussi avec les gens du métier. Vice-président de la Côte-d’Or pour l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) branche restauration, il a aussi été jusqu’en 2015 président régional de l’association des restaurateurs de France (aujourd’hui regroupé avec l’association française des maîtres restaurateurs).
En fin d’interview Éric Briones ne peut pas s’empêcher de donner quelques clés de sa vision de management et qu’il applique au quotidien. Il parle de chaise et de train notamment. La chaise a besoin de ses quatre pieds pour être stable : la cuisine, le cadre, l’accueil et le rapport qualité/prix. « Si l’un de ces éléments fonctionne mal, l’ensemble de la chaise devient bancale… » Le train, Éric Briones le conduit ; lui dans la locomotive, ses proches collaborateurs dans les wagons de tête : « j’ai besoin de mes équipes mais je dois et je suis avant tout leur leader : pour cela je suis seul conducteur à l’avant (bien sûr avec Sylvie !) et dois être toujours dans le mouvement pour guider et tirer le train! » Question d’épanouissement aussi. « Avoir une vision globale des choses me paraît essentiel pour entreprendre toujours mieux. » Déjà la locomotive repart.
Bienvenue au Clos Champagnac
C’est le dernier né d’Éric Briones. Son nouveau bébé n’est autre qu’un domaine pour le moins grandiose, le Clos Champagnac, situé face au château et golf de Chailly-sur-Armançon, non loin de Pouilly-en-Auxois, à peine trente minutes de Dijon. « Il y a quelques années, j’avais déjà longuement travaillé sur un projet comme celui-ci qui n’a pas abouti. Je suis donc revenu à ma première idée et suis allé jusqu’au bout cette fois. » Opiniâtre ce garçon ! Le Clos Champagnac rassemble donc tout ce qu’Éric Briones aime proposer : de grands espaces de fête soit trois salles de réceptions – une de 180 personnes, la seconde de 70 et la dernière de 35, mais aussi une immense pergola pouvant recevoir 300 personnes – et un gîte de 6 chambres et 7 appartements pour environ 45 couchages. « J’imagine pour ma fin de carrière me consacrer entièrement à ce lieu. L’hiver en Guadeloupe, la belle saison au Clos Champagnac ! » Comme on le comprend. Le domaine installé au cœur d’un parc verdoyant d’un hectare sera dans les mois qui viennent la bonne idée pour organiser mariages, séminaires et événements en tous genres.