
© Christophe Fouquin

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Originaire de Mary, un petit village de Saône-et-Loire, Cédric Burtin a grandi aux côtés d’un père éleveur de charolaises :
« D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être chef même si personne dans mon entourage n’était dans le milieu de la restauration. ».
En fouillant dans sa mémoire, les souvenirs de sa mère qu’il aide à préparer des repas de famille lui reviennent. Parfois, il suffit d’un détail et de quelques moments de bonheur partagé pour éveiller une passion. Si bien qu’un jour, son père appelle le chef Daniel Doucet pour lui demander de faire découvrir la cuisine à son fils. C’est ainsi que Cédric Burtin passe ses weekends derrière les pianos de la Maison Doucet à Charolles, jusqu’à y démarrer son apprentissage à l’âge de 15 ans. Pour parfaire sa formation, il passera plus tard par les cuisines de Paul Bocuse et de Pierre Orsi, celui-là même qui vient de rendre définitivement son tablier après 48 années d’une vie gastronomique intense, distinguée par les étoiles. Une personnalité qui a particulièrement marqué Cédric Burtin : « J’ai passé 2 ans à Lyon auprès de lui, c’est le lieu où je suis resté le plus longtemps. J’ai adoré l’homme, sa façon de manager les équipes, sa façon d’être. Il m’a pris sous son aile et m’a inculqué des valeurs. Il mettait une grande rigueur dans tout ce qu’il faisait et m’a appris que le travail finit toujours par payer. ».
L’INSOUCIANCE DE LA JEUNESSE
En 2005, à seulement 23 ans, le chef Cédric Burtin ouvre son premier restaurant à Sennecey-le-Grand. Une nouvelle aventure motivée par l’envie de revenir dans sa région, là où il se sent chez lui, mais aussi d’être seul aux commandes : « J’ai ouvert mon établissement sans prétention et sans moyen. Il y avait une forme de totale insouciance sans objectif d’être étoilé. J’avais travaillé dans de grandes et belles maisons et pour moi, à Sennecey, on en était très loin. ». Pourtant, seulement 3 ans plus tard, il reçoit une première étoile. Une distinction qui le conduit au rachat du Moulin de Martorey à Saint-Remy, une table jusque-là détenue par Jean-Pierre Gillot. Le chef dispose désormais d’un écrin à fort potentiel, plus grand et confortable. En 13 ans, il a tout rénové tout en conservant le charme et l’histoire des lieux. Installé au bord de l’Orbize, la rivière qui alimentait le moulin de l’époque et dont les rouages sont toujours visibles dans la salle du restaurant, l’Amaryllis offre un cadre poétique et rafraichissant à ses convives. Si la surprise était de taille lors de l’obtention de la première, la deuxième étoile, elle, était un objectif clair. Pour y parvenir, le chef a profité des fermetures forcées durant la pandémie pour construire une nouvelle identité forte et réorganiser sa cuisine : « Avant le Covid, j’étais réticent à l’idée de changer quoi que ce soit car notre clientèle compte beaucoup d’habitués. Les confinements successifs m’ont conduit à penser qu’au moment de la réouverture, ils auraient peut-être oublié ce qu’on faisait. ».
HÉRITAGE & CULTURE CULINAIRE
Pour un enfant d’éleveur, cela paraissait naturel de se questionner sur ce qu’on lui avait transmis et ce qu’il pouvait lui-même transmettre à nouveau. C’est ainsi qu’il cible ses nouveaux objectifs : intégrer plus de cohérence dans sa cuisine et aller beaucoup plus loin dans l’élaboration et l’aboutissement de ses plats. De sa réflexion naît un jardin potager accolé au restaurant et l’installation de ruches. Une production sur site qui lui permet de disposer d’une cinquantaine de variétés d’herbes aromatiques et de fleurs mais aussi de fabriquer son propre miel. En cuisine, il a mobilisé toute la brigade pour composter autant que possible et avec le recul, il constate que les ordures ménagères du restaurant ont été divisées par deux. Au-delà d’une démarche plus respectueuse de l’environnement, entretenir son potager lui a offert la compréhension des produits :
« Comprendre comment fonctionne une ruche ou pourquoi tel légume pousse à tel endroit et pas ailleurs a changé ma façon de réfléchir. ». Pour autant, le chef Cédric Burtin ne s’empêche pas d’aller chercher les produits là où ils sont les meilleurs mais il ne déroge pas au respect des saisons. C’est d’ailleurs son père, désormais retraité mais tout aussi passionné, qui l’approvisionne en viandes locales, lui qui connait par cœur tous les producteurs du coin.
ASSOCIER LE PLAT À SON ENVIRONNEMENT
En apprendre plus sur la base des produits et aller à la rencontre de ceux qui les font lui a permis d’apporter toute la cohérence recherchée. Le chef Cédric Burtin remet donc gustativement le plat dans son environnement pour en optimiser la compréhension. Lorsqu’il prépare un agneau, il l’accompagne d’éléments cuisinés au lait de brebis ou fumés au foin. Une démarche qui se ressent à la lecture de la carte qui ne comporte plus aucun intitulé de recette mais simplement un mot qui suffit à traduire un univers ; comme terre, mer ou encore fruit. Un retour à l’essentiel primordial pour le chef qui ne veut pas s’engouffrer dans les faux-semblants et la « cuisine Instagram » : « Le dressage n’est pas le plus important. Ce que je recherche avant tout, c’est l’effet whaou à la dégustation. Et pour l’obtenir j’ai arrêté de regarder ce que font les autres. ».
Il repousse aussi les limites en se libérant des règles :« On nous dit toujours que dans une assiette il ne faut pas plus de deux ou trois saveurs mais je ne suis pas d’accord avec ça. ». Les jus sont sa chasse gardée et Cédric Burtin n’hésite pas à en mettre autant qu’il le juge nécessaire dans un seul plat. Parmi les produits qu’il préfère travailler, le poisson arrive en premier et de la même manière, il s’autorise à en cuisiner plusieurs, de mer ou de rivière, dans un même menu. Progressivement, il pousse également plus loin l’approvisionnement en produits uniques. Il a créé son vinaigre et l’a conçu comme une véritable signature gustative dont il garde précieusement le secret. Il fait aussi de la fermentation, des salaisons et fait fabriquer son propre café maturé 3 mois dans des fûts de vin et torréfié dans le Jura. Il multiplie les collaborations avec les producteurs pour rendre sa cuisine toujours plus singulière. Par conviction et par envie, il tend vers des réalisations plus végétales et intègre systématiquement un plat 100 % vegan à sa carte : « Ça apporte une touche de légèreté avec un maximum de goût. ». En salle, les membres de l’équipe sont libres d’interpréter et de présenter les plats aux convives selon leur propre ressenti. Pratiquer une cuisine très personnelle de A à Z, qui s’affranchit des grands classiques du genre, c’est une prise de risque que le chef assume complètement.
« La plus belle des récompenses, c’est quand à la fin du repas, les clients me disent qu’ils ne savent pas ce qu’ils ont préféré parmi tout ce qu’ils ont dégusté. »,
explique le chef qui apprécie avec tout autant de bonheur la distinction 2 étoiles du guide Michelin qui semble, lui aussi, avoir aimé la cuisine de l’Amaryllis.

© Christophe Fouquin

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3 questions au chef Cédric Burtin
Pourquoi avez-vous eu envie de changer votre cuisine suite à la pandémie ?
Cédric Burtin Ça a été une période de réflexion pour beaucoup de gens. Personnellement, cela m’a fait penser à ce que je voulais laisser à mes enfants. Faire venir un bouquet d’herbes aromatiques de l’autre bout de la France me paraissait dénué de sens. Je me suis questionné sur la réelle cohérence de mon travail et comment être plus en phase avec moi-même et avec mes valeurs. J’ai grandi dans une ferme du coin et cela paraissait normal que ma cuisine raconte cette histoire-là. Je n’aime pas le mot « écolo » car on ne l’est jamais vraiment dans l’ensemble de nos comportements mais il y a quand même de nombreuses choses que l’on peut améliorer et c’est ce qu’on a fait.
Comment travaillez-vous sur la partie sucrée ?
Je suis moins à l’aise avec les desserts, là-dessus je m’appuie donc sur les spécialistes de ma brigade. Michael Berthold, mon chef pâtissier avec qui je me suis associé pour ouvrir l’Amaryllis Boutique à Chalon-sur-Saône, apporte son savoir-faire et sa passion. Récemment nous avons aussi été rejoints par Marie Simon, championne du monde des arts sucrés en 2018 qui a installé sa boutique à Beaune. Elle élabore la carte des desserts, ajoute sa technique et sa créativité tout en veillant à ce que la touche finale de la dégustation soit en totale harmonie avec le reste des propositions.
Vous êtes aussi connu pour vos établissements abc, pourquoi vous êtes-vous lancé dans la création de brasseries ?
C’est en quelque sorte un concours de circonstances. Un dimanche soir, des amis m’ont proposé d’aller au restaurant. Malheureusement il n’y avait pas grand-chose d’ouvert et nous nous sommes retrouvés dans une chaine de restauration à manger quelque chose de très mauvais pour un prix prohibitif par rapport à la qualité de l’assiette. Lorsque je suis rentré chez moi, ça m’a travaillé et je me suis dit que j’allais lancer mes propres brasseries avec un menu au même prix mais réalisé uniquement avec des produits frais. Le but était d’offrir une cuisine de qualité à un prix correct. Cela me permet aussi de ne pas gâcher en approvisionnant tous mes établissements en même temps. Par exemple, lorsque je cuisine une viande à l’Amaryllis, je redirige les parties moins nobles vers les brasseries.
Chemin de Martorez
71100 Saint-Rémy
03 85 48 12 98
http://www.lamaryllis.com